Ce village de montagne démontre que les zones rurales peuvent être à la pointe du progrès, et que les réseaux intelligents ne se limitent pas aux villes.
Située à mille mètres d’altitude, en Haute-Ariège, Appy ne compte que 32 habitants, quelque 220 brebis, 50 vaches et leurs veaux, 30 bœufs et 60 ânes élevés pour la randonnée. Depuis la fin juillet, le nom le plus porté ici, c’est… Zoé : une flotte de onze véhicules électriques prêtée par le constructeur automobile Renault. Chaque foyer a reçu la sienne, plus une pour la mairie, avec les bornes de recharge privées associées.
Le village a été choisi pour expérimenter pendant trois ans la mobilité 100 % électrique afin de démontrer qu’elle est aussi adaptée au milieu rural. L’Ariège compte déjà près de 50 bornes de recharge, et si d’aventure on arrive à Appy en fin de batterie et que la borne publique est occupée, on peut recharger en descendant vers Foix, dans la vallée. Les habitants d’Appy et leurs élus se voient à la pointe du “monde d’après” et pas du tout à la marge du progrès. Ainsi, la petite communauté a voulu s’équiper afin de produire l’électricité verte nécessaire pour alimenter les Zoé. En Ariège, les barrages produisent déjà trois fois plus d’électricité que le département n’en consomme. « Mais l’offre de Renault a créé une demande collective, expliquait en juillet 2020 Yves Huez, maire d’Appy depuis 2001. La population a souhaité que nous fabriquions nous-mêmes l’énergie nécessaire. Il était hors de question d’augmenter notre consommation. Nous avons poussé très loin la réflexion, en étant conscients qu’il faudrait changer d’habitudes pour s’adapter à la production. »
Gérer l’autoconsommation
Le bureau d’études d’Enedis s’est mobilisé pendant un an pour concrétiser ce projet. L’autonomie revendiquée par les habitants d’Appy devait s’organiser. La production photovoltaïque ne peut couvrir qu’une partie de la consommation. La connexion au réseau de distribution opéré par Enedis est indispensable pour compléter la puissance, ou pour la consommation de nuit. Et Linky est incontournable pour gérer l’autoconsommation collective, orchestrer production et consommation des foyers. Les données transmises par les compteurs communicants permettent aux fournisseurs la juste facturation de chacun en fonction de ce qui est consommé et produit.
Le fournisseur d’électricité verte Enercoop est venu expliquer le concept d’autoconsommation collective et a réalisé l’étude de faisabilité. Éloi Héraut, chargé de projet d’Enercoop Midi-Pyrénées, explique : « Nous avons analysé les toitures du village et des fermes, ainsi que la consommation des foyers en prenant en compte les véhicules électriques. L’altitude est un facteur favorable, comme l’exposition sud, et nous pensons pouvoir couvrir 50 % des besoins. Nous avons envisagé plusieurs scénarios et, fin septembre 2020, tout était prêt pour l’appel à projets lancé par la Région. » Le scénario retenu est d’équiper les toitures de plusieurs bâtiments publics : l’ancienne école avec son préau transformé en salle de réunion, ainsi que le lavoir. « Enedis se chargera du décompte injectionconsommation, la répartition se fera au prorata via les compteurs Linky. Et le non-consommé sera vendu à un fournisseur d’énergie », conclut Éloi Héraut. Appy, petit bourg d’Occitanie où la première boulangerie est à vingt minutes de route, devient ainsi le laboratoire du futur des zones les plus reculées.