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Publié le 27 octobre 2020

Préfets et maires face à la crise

Lorsque survient une crise climatique ou sanitaire, les préfets et les maires coordonnent les actions de tous les intervenants et mettent en œuvre les mesures de sauvegarde qui s’imposent. Comment abordent-ils ces événements imprévus ? Nous avons interrogé Frédéric Vassy, maire de la commune de Châteauneuf-sur-Isère dans la Drôme, et Patrice Faure, Préfet du Morbihan.

En cas de crise, le dispositif ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) prévoit la désignation d’un directeur des Opérations. Quel est son rôle sur le terrain ?

Frédéric Vassy :

Le maire est désigné directeur des Opérations lorsque l’événement est circonscrit à sa commune. Il assure la sécurité de ses concitoyens en coordonnant les actions des secours d’urgence, des forces de l’ordre et des opérateurs. Il doit également informer la population de l’évolution de la situation. Ces responsabilités relèvent de notre fonction mais nous avons aussi un rôle humain à jouer : assister les habitants et les rassurer. En effet, pour eux, nous sommes le premier rempart de la République. En début de crise, nous gérons les urgences vitales et nous signalons les personnes en détresse, mais très vite les habitants nous sollicitent pour tout type de problème. Ils se reposent parfois sur nous pour réussir à dépasser la crise à un niveau plus personnel.

Patrice Faure :

Le préfet prend en charge la gestion de la crise en tant que directeur des Opérations de Secours lorsque celle-ci dépasse les capacités opérationnelles d’une commune ou qu’elle en concerne plusieurs dans le département. Il joue alors un rôle de coordinateur entre les élus et tous les acteurs impliqués dans la résolution de la crise, en définissant les priorités d’action. En pratique, les maires, les secours d’urgence et les forces de l’ordre nous informent de la situation sur le terrain. Nous centralisons ces informations et les faisons redescendre. Cette communication est primordiale, elle permet d’éviter l’apparition d’une nouvelle crise dans la crise : en rassurant les maires et les populations sur l’évolution de la situation, nous évitons que les opérateurs soient submergés d’appels.

En cas de tempête ou vent violent, le réseau électrique peut être touché, il faut alors agir rapidement… Comment collaborez-vous avec les équipes qui interviennent sur le terrain ?

Frédéric Vassy :

Mi-novembre 2019, un pylône électrique s’est abattu sur le territoire de la commune lors d’une tempête de neige. Toute la population a été privée d’électricité sur plus de 15 km. Dès le premier jour, nous avons vu une multitude de techniciens d’Enedis venus de Nice et de Nancy ; ils ont déployé 25 groupes électrogènes pour secourir les habitants les plus fragilisés que nous leur avons signalés. Voir cette force de frappe en action et cette solidarité nationale a été un vrai soulagement pour nous tous. Pendant six jours, j’ai été en contact permanent avec les équipes d’Enedis. Elles m’ont régulièrement informé de l’avancée des travaux. Cela m’a permis de tenir la population au courant de l’évolution de la situation, de trouver des solutions d’urgence et de les rassurer au mieux.

Patrice Faure :

Lorsque le réseau électrique est touché, le premier objectif c’est de définir avec Enedis les points vitaux à réalimenter en priorité : les établissements sanitaires stratégiques tels que les hôpitaux et les acteurs en première ligne dans la gestion de la crise mais aussi les particuliers dont la vie dépend de l’alimentation en électricité comme les patients sous assistance respiratoire, par exemple. Nous pouvons aussi apporter une aide logistique ponctuelle pour soutenir les interventions d’Enedis en réquisitionnant des matériels auprès de l’armée ou d’entreprises locales. Mais nous travaillons aussi ensemble quand le réseau électrique fonctionne bien ! Pour préparer le déconfinement lié à la crise de la Covid-19, nous avons priorisé les opérations d’ouverture de compteurs sur les chantiers de construction pour relancer l’économie.

Vos territoires ont l’un et l’autre traversé des crises… Quelles sont pour vous les priorités pour les surmonter avec succès ?

Patrice Faure :

Pour résoudre une crise, il faut jouer la carte de la collaboration bien sûr, mais aussi celle de la transparence. Chaque intervenant doit nous informer de ses capacités à gérer la crise mais aussi des difficultés qu’il rencontre. Ainsi nous pouvons mutualiser toutes les forces et coordonner les actions de manière efficace. La clé, c’est la confiance mutuelle, pour résoudre la crise tous ensemble. Pour aller plus loin, je pense qu’il faut créer des communautés de travail hors temps de crise pour être immédiatement opérationnel en cas d’incidents majeurs. Tous les acteurs publics et privés de gestion de crise devraient se réunir une fois par trimestre pour mieux se connaître et apprendre à travailler ensemble. S’ils sont en relation directe, ils évitent les intermédiaires inutiles quand le temps est compté.

Frédéric Vassy :

Entre les épisodes de grêle et de neige de 2019, nos habitants ont été soumis à rude épreuve. Les agriculteurs qui ont perdu leur outil de travail et les personnes isolées ont été particulièrement touchés. Nous avons multiplié les visites de proximité et avons fait beaucoup d’efforts sur la communication pour rassurer les habitants. Nous avons également pu ouvrir le gymnase pour leur permettre de prendre une douche chaude. Aujourd’hui, nous envisageons d’acheter des groupes électrogènes pour parer à ce type d’urgences. Pour une petite commune, c’est vital de se donner les moyens de maintenir un bon niveau de service public.

« Prenons l’habitude de travailler ensemble hors temps de crise pour être immédiatement opérationnel en cas d’incidents majeurs. »

Patrice Faure, Préfet du Morbihan

« En cas de crise, la force de frappe des services publics et la solidarité humaine sont primordiales. »

Frédéric Vassy, maire de la commune de Châteauneuf-sur-Isère dans la Drôme.

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